Joe Hamman et la naissance du western français en Camargue (1/4)
Au cours de ses pérégrinations, il avait fait la connaissance de l'opérateur Moreau, de retour d'un lointain reportage. Il lui fit part de ses désirs. L'idée lui plut et à eux deux, au mois de mai 1907, ils tournèrent le premier western dans les carrières d' Arcueil. Le site pittoresque s'étendait sur plus d'un kilomètre. Profond de trente mètres, on y avait autrefois installé un tir à la carabine. Cet éboulis de rochers représentait parfaitement un coin quelconque d'un paysage sauvage. L'on pouvait aussi prendre des vues panoramiques à longue distance sans accrocher une maison ou un poteau télégraphique. Un petit lac verdâtre reposant dans une profonde cavité fut judicieusement utilisé. Sur les bords de ces carrières, des cabanes de planches servant de resserres d’outils aus carriers devenaient des cabanes d’Indiens ou de trappeurs. Le film, simplement titré Cow-boy, fut tourné en deux jours avec une jeune débutante, in « Indien » solitaire, deux écuyers de manège et une vedette inconsciente de ses qualités, « Pieds-Blancs » son cheval, à demi sauvage, avec lequel il devait faire quatre ans plkus tard la série « Arizona Bill ». Un chien, un serpent,la figuration bénévole de quelques carriers remerciés de leur collaboration par une distribution de paquets de cigarettes et une tournée générale, complétaient la distribution.
Comment en est-il venu à tourner une série de westerns à l'époque héroïque du cinéma? Il y a plusieurs raisons dont la première est le souvenir et l'influence qu'eut sur lui son séjour dans l'Ouest américain. Il eut le privilège d'y connaître encore des hommes blancs et rouges qui avaient pris part à son histoire, d'écouter leurs récits et d'en rapporter les échos. Dès lors, il fut obsédé par le désir de faire revivre ce passé par la photographie animée qui venait de naître. Mais il lui fallait attendre. Il revint en France faire son service militaire au 6ème Cuirassiers, et c'est là qu'il eut l'occasion (qui peut passer pour un début) de « mettre en scène », pour la fête du régiment, l'attaque d'une diligence, sa préparation, son exécution. L'un des occupants du « coach?> était l'inévitable fille du shérif (enlevée par les Indiens, délivrée par les cow-boys) dont le rôle était tenu par un brigadier à figure poupine. Ce n'était pas un spectacle de pacotille. Les costumes indiens, les équipements de cow-boys rapportés des Etats-unis donnèrent au spectacle une note folklorique exacte. Quant aux cavaliers, ils étaient à leur affaire. Libéré du service, il n'avait pas abandonné ses projets. Il se renseignait sur les maisons de production existantes. A toutes fins utiles, il apprit le maniement de l'appareil de prises de vues, et, chose primordiale, il écrivit quelques scénarios dont le sujet ne devait pas dépasser quatre cents mètres de pellicule utile.
Extrait de "Les Indiens de Buffalo Bill et la Camargue" aux Editions de la Martinière